vendredi 29 janvier 2010

Rien de nouveau sous le soleil
















Le Rara Avis et Bel Espoir, la flotte du père Michel Jaouenn

"Capitaine Joël, apprennez à ce moussaillon à prendre correctement un amer"



Louis, Léo, Phillipe, Laurène


Mindelo nous apparaît, ou plutôt se laisse entendre depuis le mouillage… Xavier a du mal à rester en place, c’est que ça a l’air d’être la fête à terre. Il est minuit, nous venons à peine de poser l’ancre ; comme souvent je suis la voix de la raison, et préfère profiter d’une bonne nuit de sommeil avant de partir à la découverte de la ville.



Les échanges VHF en mer avec le Bel Espoir et le Rara Avis se matérialisent dès le lendemain :
Joël, le capitaine du Rara Avis nous convie à une petite visite de cette mythique goélette à trois mats de 30 mètres, construite en 1957, et nous faisons connaissance avec les 35 passagers à bord autour d’un dîner bien à l’image de leur communauté : le menu est simple et excellent (soupe de ratatouille en entrée, et cakes au thon préparé par la benjamine à bord, Vanille, 10 ans). Nous découvrons les motivations de chacun, l’équipage est composé de jeunes équipiers d’une part, et d’invités qui sont appelés stagiaires ; maman en vadrouille avec sa fille, septagenaires suisses tirés à quatre épingles en croisière, passionnés de voile, ou simples novices appelés par le grand large.

C’est une mixité incroyable, avec aussi et surtout beaucoup de jeunes de notre âge, des musiciens, bref plutôt des artistes en général. Le premier soir en leur compagnie nous conduit au Clube Nautico où les fêtards peuvent à nouveau trinquer. Il faut dire que Rara Avis est au même titre que Goudrome, un bateau sec !

Finalement ce ne sont pas les jeunes qui revendiquent liberté et tolérance qui sont les plus adaptables, mais bien nos seniors qui suivront jusqu’à tard dans la nuit, chantonnant Bob Marley à la guitare, accompagnés de fumeurs de ganja Cap Verdiens.

Le voyage est ainsi fait de surprenantes rencontres. Le Clube Nautico est un repère de voileux tour du mondistes qui ne manquent pas de nous ouvrir les yeux sur les possibilités de notre maison flottante. Xavier ne sait plus où mettre le cap, il veut mettre les voiles vers des contrées dont il n’avait jamais entendu parler avant de prendre son café avec un navigateur suisse. Ses yeux brillent à l’idée de passer le détroit de Magellan, et les canaux de Patagonie, ou de remonter le Mississipi jusqu’aux grands lacs…

Le Rara Avis finit lui aussi par mettre les voiles, ayant pris du retard dans son programme, malheureusement nous n’arriverons pas l’heure pour leur faire un dernier au revoir, et le regretterons beaucoup.
Heureusement, c’est la fête de la Saint Vincent, de plus le carnaval est proche et les répétitions se multiplient, les rues sont animées, le son de la batucada omniprésent et l’arrivée de Kayok et Khira ne devrait plus tarder. L’un est à Sal, l’autre à Sao Nicolau.

Nous verrons arriver ces derniers le lendemain. C’est toujours une joie de revoir ces têtes connues, Phil, Rico, Henrick et Léo, tous les quatre ramant vers nous dans leur petit dinghie et nous découvrons un nouvel équipier : Malik, un sénégalais de Sao Nicolau venu retrouver ses « frères et sœurs » de la communauté sénégalaise établie ici. Il a fait ses premiers essais à la voile, partagé entre la surprise de vomir tous ses repas, et l’amour naissant de ce mode de transport.
Et c’est reparti pour fêter les retrouvailles !

Il a bien fallut aussi célébrer mes 27 ans, en bonne et due forme s’il vous plait !
Dès le matin, j’ai eu le privilège de déguster un petit déjeuner de princesse, avec une fleur d’hibiscus dans mon jus de pamplemousse et deux très beaux dessins de Léa et Simon, les neveux de Xavier, arrivés comme par magie à bord du bateau.
Cette même journée nous sommes sortis quelques heures sur Goudrome en compagnie de Phil, Louis et Léo pour faire des manœuvres d’homme à la mer, avec un pare battage dans le rôle de la victime, et réussir une très belle sortie puis entrée entièrement à la voile. Peut-être aussi un prétexte pour m’éloigner des préparatifs…
Lorsque nous sommes revenus à notre place initiale, une fois assurés que l’ancre avait bien pris, c’est un flux tendu d’allers et venues en annexe qui a amené à bord tous les invités. Vingt au total, repartis méthodiquement entre le carré et le cockpit par un Xavier surexcité et comme à son habitude, endossant son rôle d’hôte parfait.
Chacun avait préparé une spécialité ; Roselyne une tarte au thon, Henrick un gâteau au chocolat, Bruno des acras, Suzanna et Néné chantonnaient des airs Cap Verdiens, mais Malik a mis la barre particulièrement haute en confectionnant un alphabet de beignets de bananes délivrant un message d’anniversaire dont je me souviendrais longtemps.
La veille il nous avait convié à une fête sénégalaise, où nous avions mangé assis par terre et avec les doigts du poulet très très pimenté et avions inventé d’improbables chorégraphies sur Youssou n’ dour. Malik lui-même ne résistant pas à la musique, courrait danser sans prendre le temps de finir son repas et en emportant sa cuisse de poulet sur la piste.

Merci aussi pour tous vos messages qui me vont droit au coeur... C'est bon d'avoir de vos nouvelles lorsque je me sens loin de vous.

Chaque midi, avec tout ce beau groupe, nous allons à la chasse aux repas toujours nouveaux et parfumés. La spécialité Cap Verdienne est la cachupa. Différente selon les heures de la journée, elle se mange aussi bien au petit déjeuner qu’au dîner, se compose de différentes fèves de haricots, d’un œuf frit, de viande en sauce ou de poisson grillé et a un prix défiant toute concurrence : 250 escudos, soit 2,50 euros.
Nous allons aussi régulièrement chez Awa, à la Praça Estrella, qui tient une cantine sénégalaise en plein air, et qui nous régale de Thieboudienne ou de Maffé, avec du jus de bissap pour calmer le piment.
Aujourd’hui même c’est Fred, un Cap Verdien, qui nous faisait découvrir un ragoût Brésilien dans un boui-boui qui n’a pas du recevoir de contrôle d’hygiène depuis longtemps… ou peut-être jamais !

Il faut voir Roselyne, Louis et Maurice s’accommodant de tous ces programmes téméraires, entourés des fameux boat people et des locaux !

Nous avons loué des scooters avec ses derniers pour s’offrir un aperçu de l’île. On pourrait dire que c’est le moyen de transport idéal pour parcourir les quelques 15 km mais les routes sont faites de milliers de pierres qui sont un véritable supplice pour le derrière du passager arrière (en l’occurrence, à 90% du temps, moi) et chaque fois que mes yeux se sont posés sur la route, j’ai aussi pensé au labeur des pauvres gens qui les ont posées. La curiosité nous a emmené jusqu’à Baia Dos Gatas, et celle de Xavier et Louis les a poussé à aller regarder le fruit de la pêche des locaux qui se trouvait à bord de leur embarcation. Ils sont revenus touts fiers, aussi fiers que s’ils les avaient pêchés eux même, avec deux grosses langoustes et une petite (déclinées en soupe de têtes pressées, cuites à la poêle avec du beurre persillé, puis re-soupe).
Le cœur de l’île est splendide, les abords du Monte Verde sont verdoyants, on y trouve des palmeraies et des serres qui abritent toutes sortes de légumes, à l’opposé des villages de pêcheurs balayés par le vent et le sable du sahara.

Enfin, pour finir, une petite constatation qui fait mentir notre guide Imray daté de 2003 et qui pourrait aider d’autres navigateurs. Il décrit, entre autre, peu de moyens de s’approvisionner en eau et se ravitailler, pas de moyen de retirer de l’argent, la méfiance par rapport aux nombreux vols et vantait les mérites d’une marina tenue par un allemand exemplaire… on peut dire que tout cela a bien changé !
Nous faisons attention à nos affaires, on ne laisse pas nos sacs sans surveillance à la plage, particulièrement le dinghie, mais cela est surtout du bon sens. Il y a plusieurs supermarchés en ville, et un marché couvert particulièrement bien achalandé, des boucheries, des boulangeries, un marché aux poissons, et même des cyber café ; on peut trouver de l’eau pour le bateau au quai des japonais ; il y a bien évidemment des distributeurs automatiques mais la plupart des commerçants acceptent les euros, et enfin, il faut absolument éviter cette marina qui, en plus d’être chère, est dirigée par une personne des moins aimables.
La morabeza, gentillesse, l’affabilité et le sourire cap verdien sont une réalité qui nous restera en souvenir de ce pays.

Demain, nous partirons à la voile sur Goudrome et Khira pour Santo Antao, l’île voisine située à 10 miles. On vous racontera.
Boa noite, até logo !

N.B. : Petite note un peu moins drôle ; Cette escale nous ouvre les yeux sur des réalités qui concernent l’immigration, le racisme, la misère et la pauvreté. Ma soirée d’anniversaire a été bouclée par la visite de la police maritime qui nous priait de faire évacuer les personnes de nationalité Cap verdienne sans raison (nous sommes pavillon français, et donc en France, c’est étrange mais c’est ainsi). L’entrée de la marina où nous laissons notre annexe moyennant paiement journalier, se voit refusée à Malik, pourtant muni d’un visa de 3 mois pour le Cap Vert, sans autre motif que sa couleur de peau. La construction de cette marina coupe court aux sources de revenus, aussi ridicules soient-ils, des enfants des rues qui gardaient autrefois les annexes. On est loin des drames que vous lisez tous les jours sur Haiti, mais le monde est injuste partout.


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dimanche 24 janvier 2010

Mindelo, ou le farniente au soleil

La Bodeguita de Bruno, petit bar qui surplombe la ville

Bonjour a tous, voici un aperçu en images de notre séjour a Mindelo,
en attendant une note rédigée sur cette île.
Tout ce qu'on peut vous dire c'est qu'on est plus souvent en train de déguster un "punch coc'", qu'en train de rafistoler un truc sur Goudrome !
à bientôt





Un repas de taille, pêché en musique, et intercepté directement sur la plage.








Xavier goûte au plat traditionel : la cachupa. Faite de diffèrentes fèves de haricots et de maïs, une tranche de viande bouillie en sauce, un œuf et quelques rondelles de chorizo. Le tout accompagné de piment (malagueta) est délicieux. (la recette par ici)


Le Clube Nautico, repère de voileux tour du mondiste



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mercredi 20 janvier 2010

Las Palmas (Canaries) - Mindelo (Cap Vert)

















Le 11 janvier 2010,

Lou ne voulait pas manquer notre départ vers le Cap Vert. A 17h30, l’antenne BLU qui est posée sur le pataras jusqu’en tête de mât clôture les préparatifs. Sur le ponton S, Lou est accompagnée de Fabrice, le capitaine du cata sur lequel ils partiront vers Cuba demain. (C’est aussi le cata sur lequel nous dansions la veille jusqu’à l’aube enthousiasmés par le rhum qui coulait dans nos veines). Nous saluons aussi Tessa et François, façon canadienne : pas de poignées de mains viriles, ni de tendres baisers, mais plutôt une accolade amicale qu’ils appellent le « hug ».



Après plusieurs soirées en leur compagnie, nous avions décidés de les emmener au Cap Vert mais sans engagement pour la suite. C’est que Goudrome est plutôt configuré pour un équipage réduit, tout l’espace est ouvert et leur présence aurait pu remettre en cause les fondamentaux de l’intimité. Cela ne semblait pas les effrayer, au contraire !
Leur détermination, leur histoire, et ces bons moments partagés avaient finis par bouleverser Laurène qui envisageait à présent de les accueillir jusqu’aux Antilles. Le soucis c’est qu’ils s’étaient déjà engagés en passant une première nuit sur Lélio et se devaient d’être fidèles au premier capitaine leur proposant la transat (sans escale au Cap Vert), un couple de retraités, ma foi sympathiques.

Ces adieux sont déchirants, un échec cuisant et une situation ridicule. Nous abandonnons impuissants ce couple de notre âge et les larmes de Laurène impriment leurs jolies silhouettes, tout en continuant à faire des signes d’au revoir aux autres bateaux.

Lou et Lucille ont couru jusqu’au bout de la jetée et tentent de rester en contact par des cris et des gestes amicaux pendant que Laurène hisse la voile qui clôture comme un trait cette escale familiale. (Tellement familiale que la jolie voisine norvégienne Hildegunn, du catamaran Enata, avait pris soin de nous préparer un délicieux pain de farine complète et de céréales concassées. Lou nous avait aussi offert des petits chocolats)

Je passe la première nuit à empanner (passer de bâbord à tribord amure en vent arrière) pendant que Laurène accuse le choc de ces séparations. Le moral est dans les cales le lendemain aussi. Le spi est envoyé depuis ce matin et nous filons par une bonne brise de nord-nord/ouest. Le vent est variable dans sa force mais aussi dans sa direction. Vers 1H du matin, il passe enfin est-nord/est et je m’épuise à empanner sous spi pour éviter d’éveiller Laurène qui déguste son quart de repos. Cette opération demande beaucoup de concentration et d’effort physique, cela dure un moment !
Manœuvre réussie, fier comme un coq, je me défait de mes vêtements trempés de sueur, et reviens à la barre.

La nuit, les couleurs se font remarquer par leur absence, c’est le noir absolu par définition. (Petit clin d’œil à Julien !). Goudrome file à vive allure en inscrivant délicatement une traînée phosphorescente. Le spectacle est inouï, on ne se fatigue pas d’observer le plancton qui explose en réponse au scintillement des étoiles. (On ne compte plus les vœux de bonheur exprimés en observant les étoiles filantes, qui tombent parfois très près du bateau)

Le régulateur ne fonctionne qu’approximativement, à cette vitesse (parfois 8 noeuds) il est presque dangereux de perdre le cap. Mon seul stage aux Glénans me rappelle le souvenir amer d’un départ au lof. (Le bateau devient ardent, remonte brutalement au vent, résultat il se couche en une fraction de seconde)
Nous voulons aussi épargner le pilote automatique, et choisissons de barrer à tour de rôle, pour le conserver longtemps comme un troisième barreur. Le plus long reste à venir.

Laurène n’est pas très heureuse en mer, cette longue navigation est éprouvante puisqu’elle ne ressent de véritable satisfaction qu’aux escales. Le roulis est chez elle un moteur à alimenter les pensées négatives. Malgré la décision ferme et définitive prise librement à l’issue de la méditerranée, elle s’acharne à penser que le bateau n’est pas son ami. J’ai l’impression qu’elle est en apnée dès qu’on ne voit plus les côtes !
Est-ce de la volonté, ou seulement une jolie définition de l’amour ?

Heureusement, quelques éléments vont briser sa coquille en douceur. Le troisième matin, elle peut enfin vraiment admirer les dauphins qui nous rendent visite. Elle passera un long moment assise à la proue, observant la nage fluide et harmonieuse des dizaines d’individus qui se présentent sous ses pieds à tour de rôle.

Le soir nous nous installons confortablement dans le carré, l’ordinateur portable est maintenu par des crayons scotchés à la table, nous vivons notre premier cinéma-croisière !
Un régal, l’espace d’un film, nous sommes littéralement absorbés, même si nous observons des pauses pour la veille, trois ou quatre fois par heure.

Vendredi 15 janvier 2010,
Nous passons le tropique du cancer, je fais un écart et bois une bière chaude en guise de célébration.

A présent la route est définitivement celle des alizés. Le vent est installé secteur nord-est, force 3 à 6. Idéal pour notre cap à 220°.
Là, on découvre la plaisance, ça commence à plaire à Laurène. Nos journées sont douces et ensoleillées. Au programme : cuisine, pêche, lecture, musique et farniente.
(pour le point de la pêche, on aime autant l’exercice que le résultat : la seule dorade pêchée nous a laissé une joue avant de nous abandonner. C’est un peu comme si une belle assiette vous était présentée au restaurant et finissait sur la table du voisin)
Bref, la genèse du repos, de la contemplation.
Nous ne croisons rien ni personne depuis la nuit de mardi ! (Si, quelques dauphins, un ballon de football et un morceau de bois, genre bille de chemin de fer à la dérive)

Une autre activité débute samedi soir : les vacations radio !
A notre grande surprise, en veillant le canal de sécurité (le canal 16) nous entendons des français qui se dégagent ensuite sur le canal 72, ce que nous faisons aussi (un peu comme si nous écoutions aux portes). Plusieurs choses nous interpellent au fil de la conversation : trois pavillons français en convoyage, des voix, une fille… mais oui, c’est Lou et Fabrice sur Vigual !! Incroyable, ils sont partis un jour après nous et font route sur Cuba en faisant une escale à Saint Martin, nous ne pensions pas les entendre ! Nous vérifions à plusieurs reprises sans y croire leur position : elle est bien à 165 miles nautique !!! Lou et Laurène se parlent comme au téléphone pendant un long moment.
Nous parvenons à nouveau à communiquer lundi pour des adieux marins.
Cette nuit là c’est encore nuit noire. La nouvelle lune apparaît brièvement sur tribord dans une tenue aussi légère qu’éphémère. En passant, c’est un spectacle de toute beauté. Le ciel à l’horizon reprend ses crayons de couleurs pour laisser la place à la reine de la nuit et on assiste à une merveilleuse séance de maquillage : d’abord un trait de lumière, léger et précis, pour souligner le volume par le bas, puis l’ensemble du cercle qui apparaît comme un halo, et enfin le relief en son centre qui se distingue subtilement avant de disparaître.
Arrivent enfin les étoiles, cela commence par les couches près de l’horizon pour les plus lumineuses, puis l’ensemble de la voûte céleste se met en place. Durée du spectacle : environ 12 heures.

Ce Lundi 18 janvier, en plus d’être l’anniversaire de mon frère aîné auquel je pense particulièrement, une lueur m’intrigue.
Je fais un relèvement à 70° et vérifie en observant sa lente évolution qu’il ne s’agit pas d’une étoile. Je m’interroge des heures durant sur ce phénomène qui ne ressemble pas aux feux d’un navire habituel (ni cargo, ni bateau de pêche, ni voilier).
Au bout de quatre heures, ses points lumineux grossissent plus rapidement et commencent à m’inquiéter. Nous faisons une route de collision. Laurène et moi anticipons les manœuvres à envisager. Nous allumons la VHF pour vérifier qu’il ne s’agit pas d’un navire de contrôle (douane..etc) et découvrons une conversation entre deux individus s’exprimant en anglais. Le premier a un accent plutôt indien, le second plutôt arabe… le ton, ainsi que le contenu, sur un fond de musique étrange et hachée (nous sommes bien sur le canal 16, réservée d’autorité exclusivement aux appels de détresse, d’urgence et de sécurité !). Le thème est la mort, la guerre et les échanges ressemblent plus à des insultes qu’à des rapports courtois ! Gloups… des pirates ??
Nous sommes pile au large d’une des villes les plus pauvres d’Afrique de l’ouest, et ce bateau commence à s’approcher dangereusement. J’allume le projecteur de pont et envoie une torche puissante supplémentaire dans les voiles, nous sommes prêts à manœuvrer, quand l’ofni nous imite ! Ce que nous découvrons à cet instant est magique, dans le noir absolu, un vieux gréement s’illumine intégralement à quelques centaines de mètres.

Le lendemain, nous le recroiserons (mais cette fois de jour), et l’identifierons comme le Rara Avis, naviguant de pair avec le Bel Espoir, deux super stars des océans, la flotte du père Jaouen. Heureusement que Laurène a de la culture marine (ça va plaire à Jean-René).
Moi de mon côté je me suis contenté de faire une plaisanterie radio, qui se résume comme ceci :
- « Rara Avis, Rara Avis, Rara Avis, pour Goudrome, m’entendez vous ? Vous êtes sur notre route, vous feriez mieux de virer, on arrive plein pot et on n’a pas de freins ! »
Et l’autre de répondre :
- « t’inquiètes, on vient de mettre toute la garde robe ! »
Ceci a détendu la suite de la conversation, le capitaine nous a gentiment rappelé plus tard pour nous donner la météo, et surtout la promesse d’un rendez vous pour boire des coups une fois arrivés au mouillage commun, Mindelo sur Sao Vicente.

Mardi 19 janvier 2010,
Notre atterrissage est à l’image de cette navigation, nous arrivons de nuit mais en toute tranquillité et à la voile, pour ancrer par 5 mètres de fond. Cette navigation de 860 miles nautiques (traduisez, plus de 1500 kilomètres), coûtera moins d’un litre de fuel à la planète, on est loin de la méditerranée !

Nous pensons rester une semaine à Mindelo, et plus si affinités. Até logo !


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lundi 11 janvier 2010

On quitte Las Palmas
























Las Palmas, dimanche 10 janvier 2010
Comme l’indique le titre, nous ne sommes pas encore partis… difficile de s’extirper de cette ambiance familiale et festive ! C’est que Goudrome est devenu le quartier général des crew members à la recherche d’embarcation, et la radio-ponton de cette grande migration.

Les uns ont leur vélo, les autres leurs histoires de cœur, les propriétaires ont leurs craintes, et nous avons eu nos propres hésitations quand à embarquer un ou plusieurs de ces personnages attachants sillonnant les catways. Il faut dire que c’est très international ici, on ne se fatigue pas des soirées à 15 sur le plus petit des bateaux (Kirha, un Arpège de 9,50 m) à baragouiner des langues des plus improbables en se régalant des vivres illustrant la rose des vents et les quatre coins de l’Europe : le point en commun de tous ces navigateurs, jeunes ou vieux, fous ou un peu moins téméraires.

Le quotidien sur le ponton S ce sont les enfants qui pêchent les poissons du port pour les admirer de plus près dans une bassine, les hommes qui s’activent au mât, les femmes qui ne savent plus que faire des kilos de courses qu’elles ont emmagasinées, et les cornes de brume qui symbolisent chaque départ. Chaque jour des amis disparaissent sur les flots, nous sommes convaincus de les recroiser quoi qu’il arrive.
Il y a aussi le Sailor’s Bar, point de rencontre de toutes ces figures. Son livre d’or et ses centaines de casquettes au mur qui résonnent comme nos rires dans ce lieu où l’on se sent chez nous. C’est d’ici que nous vous écrivons, une étape gravée dans nos mémoires, notre dîner de ce soir est à la hauteur de ce que nous avons vécu ces derniers jours.

Nous partons demain. Lou qui dormait à bord depuis trois jours sera remise dans les mains de quatre skippers d’un gros cata, François et Tessa feront peut-être parti de notre aventure, nous n’en sommes jamais qu’au quatrième rebondissement ! (pas facile d’imaginer faire de la place à bord pour si longtemps, malgré les affinités ; le temps que nous avons mis à décider les a poussé à embarquer sur un autre bateau).
Nous appareillons pour le Cap Vert pour une navigation d’environ 7 jours. On vous tient au courant.
PS : Pas d’inquiètudes si nous tardons à poster des nouvelles, internet risque de se faire rare.

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mercredi 6 janvier 2010

Lanzarote - Gran Canaria








Bonjour à tous et toutes,
Pour commencer et parce que l’usage veut que l’on s’échange des pensées positives pour célébrer le passage à l’année nouvelle, nous vous souhaitons tous nos vœux de bonheur pour 2010.Au sens large du terme : nous entendons la satisfaction simple, obtenue après avoir accompli une mission minuscule, ou atteint un objectif.

Je pense en exprimant cette pensée à un exemple frais et concret, il s’agit d’un couteau que nous avions reçu par Chantal (la grand-mère de Laurène) lors d’une visite au Cap d’Antibes…La petite histoire a voulu que ce couteau fasse partie des petites choses qui font le lien entre notre vie d’avant (la vie matérielle confortable où les objets qui nous entourent n’ont qu’une valeur relative vu le nombre et la futilité de la majorité d’entre-eux) et la vie que nous découvrons tous les jours, comme aujourd’hui.

Dans le tiroir à couvert du bateau, un objet n’avait pas encore été identifié jusqu’ici, en fait l’avions nous réellement considéré ?Non. Mais l’autre soir en faisant une chasse au cafard dans le quartier, nous nous retrouvions à nouveau face à ce truc en plastique rouge muni d’une poignée enfermant à son extrémité deux séries de rondelles rouillées. Et bien nous y sommes, le voilà le petit bonheur, il s’agit d’un outil pour affûter les couteaux (l’instinct de chasseur masculin doit établir un raccourci direct aux cellules du bien-être ??).Depuis, ce couteau et tous les autres d’ailleurs ont subi le même sort et me comblent de satisfaction.

En fait, cet exemple illustre à peu près ce que nous avons vécu ces dernières semaines sur Goudrome, des petits plaisirs et parfois des victoires obtenues en rayant ligne par ligne la longue liste (je ne dresse pas la liste technique ici mais je suis certain que des lecteurs fidèles comme mon père et Jean-René se grattent les cheveux) des indispensables et incontournables avant le départ.Bien amarrés dans cette « Marina Rubicon » de Lanzarote qui doit représenter le genre de paradis artificiel dont rêvent les touristes allemands retraités, nous avons réalisé ce que tout un chacun aurait fait dans son port d’origine. Après de longs mois d’observation à bord, nous étions informés de nombreux détails et points faibles à améliorer pour le confort et la sécurité.Evidemment, nous n’avons pas transformé ni modifié l’embarcation à la hauteur des espérances des personnes qui nous entouraient (la grande majorité des marins naviguent aujourd’hui sans cartes papiers et leur confiance repose d’avantage sur les instruments électroniques que sur le bon sens…le sens marin !).Nous avons donc préparé notre traversée à notre manière avec une fois de plus le soutien moral et le conseil juste de Jean-René qui nous ramène à des valeurs éprouvées.

Le résultat est, nous l’espérons, un équilibre entre le confort et la contrainte ; nous sommes à la fois loin d’être suréquipés et ne partons surtout pas sans autonomie. Notre meilleure sécurité sera le fruit de nos sens : la meilleure veille restera nos yeux, la meilleure survie restera d’être prêt et d’y croire !

Ce long séjour sur Lanzarote nous a aussi donné l’occasion d’approfondir des relations et de faire de nouvelles rencontres. C’est drôle mais nous étions une fois de plus les plus jeunes et donc les plus audacieux, les plus fous ?La jeunesse a cela de bon, c’est qu’en ignorant une partie du danger on prend plus de risque et on se repose sur notre volonté naïve (qui nous donne des ailes) plutôt que sur les longs récits qui alimentent les peurs.Nos aventures précédentes éveillent la curiosité et la compassion chez nos aînés, ici nos copains pourraient être nos parents, ils regorgent de conseils et d’expériences intéressantes mais aussi de principes. Là c’est moins fun !

Deux personnages méritent que j’en dresse le portrait : Louis et Maurice sur Kayok .Le premier, Louis est opticien retraité, un homme très calme et posé, qui fait une utilisation parfaite du proverbe qui dit qu’on a une bouche pour deux oreilles.Très à l’écoute, il analyse ce qu’on lui dit longuement avant de répondre avec une précision rare ! Ses conseils sont toujours émis avec réserve et sont les bienvenus.J’aime beaucoup l’ouverture d’esprit de Louis qui tend à penser que le voyage est un élément qui se révèle toujours autrement qu’escompté, le temps passé à faire des choses sans importance avec d’autres plutôt qu’un respect absolu du programme ! Le second, Maurice qui voyage aussi à bord de Kayok est le frère de Roselyne ( la compagne de Louis, une femme charmante), un médecin retraité et malheureusement lui-même malade à 70 ans à peine. Navigateur chevronné, il est aussi un brillant homme aux ressources inépuisables. Médecin de campagne apprécié, musicien, il ne manque pas de nous conter des anecdotes singulières ou de pousser la chansonnette au rythme que lui autorise son coeur!Je suis tellement admiratif des gens comme Maurice qui peuvent dire en toute objectivité qu’ils ont réussi leur vie.

L’avantage de cette aventure sur Goudrome, c’est que nous sommes maître à bord, loin de nous l’idée originale de partir en tant qu’équipier sur un « super maramu »!Cela aurait pu être un tout autre voyage, dans ce cas de figure notre cape de liberté aurait été retournée en tablier de bonne…

Les fêtes se sont donc passées en bonne compagnie et en toute simplicité, sur Goudrome pour Noël et dans un petit resto pour le réveillon du 31 décembre.Cette dernière soirée, dans un restaurant Canarien derrière la Playa Blanca restera un très bon souvenir !L’établissement, bondé à notre arrivée s’était vidé aussi rapidement que nos assiettes.Avant minuit, heure à laquelle la serveuse offrait chapeaux, masques, digestifs et cotillons… nous demeurions la seule table en activité pour le compte à rebours qui marquera un fou rire mémorable partagé jusqu’aux cuisines (où nous embrassions l’ensemble du personnel).C’est que la scène était hilarante, les ballons et trompettes en carton ont libéré l’enfance qui sommeillait aux quatre coins de la table, puis de la pièce.

Pour Laurène et moi, l’année commençait dans l’insouciance et dans le coffre d’une petite voiture dans laquelle nous tenions à 7, en direction du bar du port où nous étions attendus pour arroser une dernière fois l’année écoulée.Le spectacle y était parfait et tellement exotique : des jeunes, des vieux, des tongs et des robes de soirée. L’ivresse et la musique effacent tout et puis les vieux bedonnant qui dansent avec les putes à moitié dévêtues, dans un coin nous rebâtissons en légèreté le monde de 2010 …

Bon, les fêtes consommées puis la liste qui n’a plus pour étage que le rez-de-chaussée sont deux raisons suffisantes de quitter ce beau monde.Les colis ne sont pas tous arrivés à bon port, deux d’entre eux (sur quatre) seront repartis chez l’expéditeur ! Nos promenades autour de l’île correspondent finalement plus à nos besoins d’avitaillement et de chantier qu’à un appétit de découvertes prisées comme étreindre le dos des chameaux ou les fauteuils des bus climatisés qui sont malheureusement le seul moyen d’accéder à la réserve où se trouvent les volcans, …La plage de Papagayo découverte en vélo reste un décor magique et sauvage qui nous contentera, la terre de cette île sélectionne ses habitants végétaux pour un grand combat au bout duquel elle offre une grande et improbable diversité !

Le 04 janvier 2010, le vent est favorable ou presque…Nous sommes plus prêt que jamais et pourtant plus angoissés que d’habitude alors que la navigation pour Las Palmas de Gran Canaria représente 24 H à peine.Nos amis Cliff et Suzie, un couple d’anglais sur Snapper nous saluent et nous donnent la température au retour d’une courte navigation à l’extérieur.Rafales à 30 noeuds et mer agitée…En guise de cadeau de départ ils nous offrent aussi des couvertures polaires pour les nuits de quart.

A peine le nez dehors, nous dégustons !
Cette sortie nous fait l’effet d’un Coca-Cola avalé trop vite, quand on a l’impression d’avoir les bulles jusque dans les yeux !Cela nous rafraîchi la mémoire, la mer c’est dur !Personnellement je vis ce départ comme le premier vrai départ en mer avec Fred sur Harmattan (nous virions la dernière bouée Ouest en direction des îles Silly quand un marin en direction du port nous faisait signe que la mer était bien formée), pareil on a dégusté !

Nous hissons la grand voile en prenant un ris d’emblée et ne sortons qu’une partie du génois.Les prévisions vérifiée jusqu’au matin même confirmaient que le vent de secteur ouest-nord-ouest adonnerait (virerait dans les heures à venir à notre avantage).On avait que trop peu parlé de la houle, pas belle !Bref, Laurène a du perdre plus d’un kilo en rendant à douze reprises un tas de choses que son organisme refusait, et en avalant rien de nouveau !Je n’étais pas fier non plus mais pas le choix, Goudrome est lancé plein pot comme un taureau mécanique de rodéo, il faut sans cesse régler les voiles pour tenir le cap et gérer ses points d’attaches pour rester en selle !
Gloups, dans ces moments là les pensées sont totalement variables…On a une tendance à divaguer et à chercher ce que l’on possède de plus confortable en magasin et en général vous êtes là : la famille, les amis avec ces doux moments partagés.Le cerveau est surprenant tant il est capable de vous restituer des instants précis de l’enfance à hier sans s’emmêler les pinceaux !On se faisait la réflexion quelques semaines plus tôt, surpris Laurène et moi, du temps consacré lors des plages de quart (et donc de solitude absolue) à reconstituer l’ensemble des émotions et des rapports humains dans leur complexité !

Nous n’avons pas pu remettre de toile, le vent n’a pas faibli, le bateau non plus…Les paquets de mer pénétrant dans le cockpit nous ont épuisés.L’arrivée dans le grand port de la Luz s’est déroulée sans encombre, on pourrait presque être fier de nos manœuvres.Nous y découvrons une flotte très internationale et variée prête au grand départ, le ponton S est bondé comme les autres ; chargé de vie et de couleurs !
Nous appareillerons pour le Cap Vert dans deux jours (vendredi), à très bientôt !

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