jeudi 29 avril 2010

Petit constat de mi-parcours

Parmi les choses essentielles que nous aura appris la vie sur Goudrome, il y a aussi quelques petits détails non moins essentiels qui font notre quotidien d’amphibiens et qui ne nous étaient pas apparues lorsque nous étions encore des terriens. Voici venu le temps d’un bilan après 7 mois passés en bateau.



Les effets sur notre corps :
- Notre peau mue quotidiennement. Cet effet est renforcé par le rayonnement solaire qui agit sur notre peau comme un four. Il suffit d’effleurer le dit support avec un ongle pour fabriquer un petit spaghetti de peaux mortes dont il faut immanquablement se débarrasser en se faisant un gommage.

- Nos cheveux blondissent. Pour Laurène ce n’est rien de bien nouveau, mais cela donne une apparence très « capitaine au long cours » à Xavier.

- Nous avons chaud, et cela influe directement sur nos caractères. Nous sommes devenus mous.

- Notre corps subit une perte importante de poids en navigation, et gonfle dès que nous posons le pied sur terre.

- Nous avons réduit notre marche quotidienne par cent et avons multiplié la natation par le même coefficient.

- Les vêtements nous gênent et notre garde-robe se limite à quelques morceaux de tissus, en général toujours les mêmes : ceux qu’on aime et qui sont invariablement décolorés par le soleil.

Nos rapports avec les bêtes :
- Laurène est en manque permanent de compagnie animale, elle palie donc cette absence par l’observation assidue d’une famille de crabes qui loge sur la coque.

- En mer, nous ne sommes plus incommodés par les moustiques.

- Les seuls animaux qui semblent nous fuir sont définitivement les poissons que nous essayons de remonter à bord. Sur ce point des progrès restent à faire.

Notre conception de l’habitation :
- Une ancre minuscule peut tenir un bateau gigantesque. La proportion de cet objet par rapport à ce qu’elle permet d’enraciner est une surprise quotidienne. C’est un peu comme si on arrachait les fondations de la maison pour la reloger 5 km plus loin et ce tous les jours avec un certain avantage dont manquent les maisons, celui de toujours orienter les fenêtres face au vent.

- Les maisons n‘ont pas non plus de placards sous les tapis, ceci dit.

- Notre notion de surface habitable a été revue à la baisse. 10 mètres, finalement, c’est un énorme volume.

L’autonomie :
- Depuis que les panneaux solaires sont fonctionnels, soit depuis Lanzarote, nous produisons suffisamment d’énergie pour n’avoir recours à aucun service. Les litres de gasoil brûlés sont médiocres comparés aux miles nautiques parcourus.

- La seule énergie qui nous importe réellement se mesure sur l’échelle de Beaufort.

- Puisque nous n’avons pas réussi à amariner nos amis terriens, force est de constater que nos amis amphibiens se déplacent, eux, avec une grande facilité. Ainsi nous en avons toujours un stock à chaque mouillage.

Le temps :
- Ce qui autrefois nous semblait un inconvénient léger lorsqu’il s’agissait de se rendre d’un point A à un point B en moto, ou en vélo (rayer la mention inutile) est aujourd’hui une évidence liée à notre survie. Avant chaque sortie, il est préférable de s’être prémuni de la météo pour les heures, voir les jours qui viennent. (Surtout valable pour les longues navigations, mais aussi pour les courtes sorties en laissant les capots du bateau ouverts.)

- Depuis notre arrivée aux Antilles, le baromètre n’a bougé que de deux millibars, on peut dire que la situation est stable.

- La résonance du réveil vécu comme un harcèlement est remplacé par un lever de soleil. Les montres et autres horloges n’ont pas fait partie de nos bagages.

Les dons à la mer :
- Laurène semble offrir à la mer ses meilleurs sujets en « ette ».
Depuis le départ, elle déplore la perte d’une chaussette, de lunettes, d’une casquette, d’une assiette, une clef à molette, d’une bicyclette (heureusement repêchée peu de temps après sa chute dans le port de Gibraltar) et dans un autre registre, d’une palme, d’un bas de maillot de bain, d’un macintosh (pas en mer, mais en grillant son alimentation dans un bar du décidemment maudit, Gibraltar), d’un seau, et d’un pare battage.
Et bien sûr, dans sa générosité sans limite, de quelques repas amoureusement concoctés.

Les ratés :
- Xavier pensant faire une bonne affaire à Gibraltar (encore !) en achetant du papier à rouler en gros, s’est retrouvé avec un stock entre 600 et 1000 feuilles à rouler à découper sur la longueur et la largeur. Sans commentaires.

- Il faut savoir qu’en navigation nous avons pris l’habitude de bloquer l’hélice en marche arrière pour éviter qu’elle ne tourne. Et lorsque que Xavier confie le soin de veiller sur le bateau pour une courte période de sommeil à son moussaillon décidemment peu dégourdie, il ne s’attend pas forcement à ce que celle-ci, contrainte par une absence totale de vent, démarre fourbement le moteur en omettant de redresser le levier … pleine puissance dans la direction opposée ! Râles, reprise du quart et consignation de la victime dans le carré avec des boules quiès.

- Des tiroirs qui ne glissent pas bien, en temps normal, on met de la paraffine sous chacun des côtes. Dans le domaine du bateau, par 30° de gîte, c’est une erreur qu’on ne commettra plus.

Nous ne sommes pas au bout de nos constatations, la suite… bientôt !
Laurène


Read more!

Carriacou








Pour aller loin , il faut ménager sa monture.
A priori, tout le monde ne l’a pas compris, mais on a décidé de poursuivre le voyage en se rapprochant de vous un petit peu chaque jour. Nous avons donc choisi Carriacou pour y faire une escale technique, d’abord parce que ce n’est pas cher, mais aussi et surtout parce que le contact a été super depuis le début.


Depuis Prickly Bay, entre deux siestes, nous organisions la sortie de Goudrome. Ainsi, Xavier a eu plusieurs contacts téléphoniques avec d’une part Dominique, d’autre part Paul. Le premier est soudeur sur un trimaran transformé en atelier flottant et malgré la panne de son groupe, il trouve une solution pour nous faire le boulot de soudure en autant d’étapes que de lieux. (coupe sur le bateau, soudure à terre, bref, c’est folklorique mais efficace).

Le second, Paul, un anglais, est le nouveau gérant du chantier. Il se coupe en quatre pour trouver des solutions et faire plaisir dans un contexte où rien n’est évident. En effet, le chantier est isolé, on sort le bateau au milieu des arbres, comme dans la cour d’une ferme, et le travel-lift slalome entre poules et chèvres.Il commande les produits qui sont livrés le lendemain, ainsi nous effectuons le boulot en trois jours. Goudrome arbore un antifooling noir du plus bel effet.

La première nuit est consacrée à la chasse aux moustiques, nos jambes sont couvertes de piqûres. Mais grâce à Dominique, notre séjour sera des plus confortables, nous passerons les deux nuits suivantes sur un matelas king size recouvert d’une moustiquaire, balayé par un énorme ventilateur silencieux. Du pur bonheur !

Goudrome file maintenant sur l’eau, et nous avons rallié Le marin en Martinique pour y effectuer les dernières étapes des préparatifs pour la transat retour.

Read more!

lundi 26 avril 2010

Lecture du moment

Je lis beaucoup, c'est un fait. Je lis encore plus depuis que je suis en bateau. Les livres sont de précieuses monnaies d'échange avec les autres embarcations, mais il m'arrive aussi de tomber sur une librairie et de me trouver comme Xavier face à un étal de rhum arrangés et voir ma volonté périr.

J'ai trouvé "On the nose" de Bob Cooper tout à fait par hasard au shipchandler de Spice Island Marine de Prickly Bay. Tout d'abord intriguée par les petits dessins amusants, mais surtout par l'histoire comme je les aime de navigations qui font mentir le terme "plaisance", celles qu'on raconte avec un brin de fierté au café du port en omettant de préciser combien de fois on s'est dit "mais, qu'est ce que je fous là?"...

Bref, j'emporte le précieux à bord. Et je ne suis pas déçue par l'offre d'appel, toute la lecture est conforme à ma curiosité : drôle, épique et particulièrement bien illustrée. Humour anglais oblige. Le tout se passe dans la première partie de son voyage avec sa femme sur Yanina, en méditerranée où ils découvrent le bateau pendant deux ans.
J'ai contacté ce Bob pour lui témoigner ma sympathie, et il m'apprend par mail que Yanina est au sec à deux encablures de Goudrome à Prickly Bay !
J'attend avec impatience de trouver le second volume qui témoigne du périple aux Antilles, en attendant je vous conseille vivement de le lire s'il croise votre chemin.

Laurène

Read more!

mercredi 21 avril 2010

perdus dans les fjords du sud de Grenada...













Le long chenal balisé de St-George’s Harbour nous conduit entre les récifs dans une baie très bien protégée appelée « the lagoon » et réputée pour être un des meilleurs mouillage forain des petites Antilles. Une fois de plus nos documents cartographiques ne servent à rien, la baie déserte des guides nautiques indiquant le petit ponton du « Grenada Yacht Club » est à présent truffée de pontons aussi neufs que gigantesques de sorte que le mouillage devient difficile.

Le fond est d’excellente tenue mais nous manoeuvrons à deux reprises pour ne pas gêner les voisins ainsi que le chenal d’accès du Port Louis. Il en est de même pour Epicure (Damien et Sylvie, rencontrés à Mindelo, ils font la boucle de l’Atlantique en provenance de Paris et à destination de Paris, ils habitent le Port de l’Arsenal, à Bastille)que nous retrouvons au mouillage, ils envoient deux ancres pour tenter de rester dans l’axe du vent principal et finissent par bouger. Nous finissons par obtenir une place au Yacht Club. Cela tombe plutôt bien, nous devons remplir les cuves d’eau, faire un approvisionnement et débarquer Basile et Léo. Les manœuvres de port sont souvent compliquées quand le vent souffle en puissantes rafales, je décompose un maximum pour que tout se déroule tranquillement.

Notre place est au bout du quai, nous entrerons en marche avant (le safran est affaibli, en marche arrière il faut prendre de l’élan et manœuvrer sur son erre). Sur bâbord un demi catway en béton, à tribord un voilier anglais dont le propriétaire déplace l’annexe pour notre arrivée. Sympa, il propose aussi de nous frapper à la pendille (bouée située à une vingtaine de mètres du ponton sur lequel on noue une amarre). Léo reste sur le quai pour réceptionner le bout que lui enverra Laurène, Basile remonte l’ancre et passe le bout à l’anglais.

Je suis à la barre, tout se passe à merveille, je colle le voilier sur tribord et éviter d’être poussé par le vent, Basile passe l’amarre à l’anglais dans son annexe qui fait signe que son nœud de chaise est bouclé. A l’avant Laurène a envoyé le bout, Léo l’a réceptionné. Super, une petite marche arrière pour stopper Goudrome, et nous voilà à terre !

Dans mon petit feuilleton, il en était ainsi mais une petite hésitation à l’avant à cause d’un taquet cassé puis un type arrivé de nulle part ordonnant de passer le bout sur bâbord, (soit sous le vent…) interrompt brusquement la fiction. Dans le cockpit, un autre souci apparaît : en tentant de reprendre l’amarre arrière je constate que notre brave voisin à loupé son nœud ou s’est trompé de point d’attache… Bref Goudrome est arrêté, chassé par le vent sur le béton… Heureusement, nous sommes nombreux et réactifs, tout fini par rentrer dans l’ordre. Moralité, plus on est de fous, plus on pleure !

Quatre mois nous séparent de l’arrivée à Las Palmas de Gran Canaria où une minuscule annexe propulsée tranquillement par deux rames obstruait l’entrée du port. Dans ce petit gonflable, il y avait Léo. A cette époque nous ignorions que nous ferions un bout de chemin ensemble. Après la traversée Cap Vert/Martinique était venu le temps des adieux, puis les choses ont voulues que nos routes se superposent de nouveau. Cette fois encore, l’aventure aura duré plus de dix jours.

Dix jours pour approfondir une relation avec Léo, dix jours pour découvrir Basile. Basile a pris la décision de nous accompagner en deux minutes, c’est un garçon entier, pas du genre à hésiter. Il ne cache pas son côté brut et sauvage, limite asocial les premiers jours, il parle peu et passe le plus clair de son temps seul sur le pont à observer l’horizon. Quand il n’est pas sur le pont, il s’assied sur la plateforme arrière et joue de la guitare, son répertoire se limite à présent à deux morceaux maîtrisés: « les écorchés vifs » de Noir désir et « In the night » de Amparanoïa.

De ce point de vue, nos deux équipiers sont complémentaires, Léo répète ses gammes en douceur et en silence alors que Basile gratte plutôt façon manouche énervé. Parfois le carré de Goudrome se transforme en école de musique, parfois en atelier de couture. Le départ proche pour le Venezuela déclenche chez les deux compères une réorganisation complète de la garde-robe à la trousse de secours en passant par les bouquins,… Ils se cousent des poches intérieures, se fabriquent des petites pochettes, vident et revident leurs sacs dans le but de s’épargner une charge inutile.

Léo voyage très léger, son sac contient un duvet, un poncho, un slip, un tee-shirt, une petite pharmacie composée de produits naturels scrupuleusement sélectionnés. Basile transporte un sac proportionnel à sa guitare, et à sa façon de jouer. C’est qu’il transporte aussi sa cantine, des chaussures de grimpe,et une collection de produits de soin fait-maison complètement naturels allant du dentifrice à l'argile jusqu'à l'huile de millepertuis… Son meilleur remède reste l'urine.

Pour reprendre des mots simples issus de sa bouche : « mad and nomad » et « à l’arrache »,représentatifs du mode de survie qu’il s’impose courageusement. Il est quand même parti pour l’Inde à vélo, même si les frontières l’ont fait quitter le chemin terrestre à Istanbul. Là ils sont tout deux à six mois du départ, l’objectif est presque atteint : L’Amérique latine !

Pour nous, c’est un plaisir de partager ce bout de route grâce au cadeau qu’est Goudrome, et surtout on considère la rencontre comme un fruit. Un de plus en voyage. Jean-Michel, un copain qui a commencé à vivre après 50 ans disait très simplement « la richesse c’est les autres ! »(la fortune lui a sourit très tôt, absorbé par ses activités, il a été jusqu’à oublier de vivre…) . Les longues discussions philosophiques insufflées par Léo, les expériences et le regard de nos passagers et amis sont et seront désormais gravés dans nos mémoires. Bonne route les baroudeurs !

Notre sillage retrouve une légèreté qui doit être un symbole de liberté. Après diverses promenades, Laurène et moi partons à la découverte des fjords de la côte sud de l’île aux épices. Notre ancre semble plus lourde, nos journées paisibles se résument en une conversation : Laurène, à peine couverte d’un paréo, allongée sous un ventilateur, parcoure avec délice son 58 ème roman :
-Xavier ? (Xavier qui démonte tranquillement la troisième pompe à pied conservée à bord pour tenter d’en rendre une fonctionnelle)
-Oui ?
Laurène : -Tu te fais chier ?
Xavier : -Non, et toi ?
Laurène :-Non plus.

Les escales s’allongent un peu comme nous, c’est le repos du guerrier, le garage. Ce n’est pas plus mal, on découvre encore un tas de gens fantastiques, de toutes nationalités. Nous avons un point en commun : avoir marché longtemps, couru parfois, et nous voilà comme au bout du monde… Ce monde imaginaire que forment les Antilles.

Un peu plus au Sud, Trinidad où beaucoup trouvent un abri anti-cyclone avant de rejoindre leurs occupations respectives, le réel en quelques sortes. Au Sud Ouest les îles Vénézueliennes puis les ABC (îles hollandaises) sur la route de Carthagène et Panama, pour ceux qui comme Roel et Isa poursuivent la route vers le Pacifique (ils rentrent en Nouvelle Calédonie avec leurs deux enfants). A l’Ouest, d’autres mouillages comme celui de Hog Island, le théâtre d’un rendez vous barbecue hebdomadaire. On ancre à quelques brasses de la plage pour y manger du poisson grillé et y boit quelques bières fraîches en dansant au rythme du reggae local,les pieds dans l’eau.

Les soirées à Grenade sont tellement riches en souvenir que je me dois d’en partager quelques uns. Ainsi, un soir nous retrouvons Basile, Léo mais aussi Sylvain qui nous emmenait découvrir une cascade de nuit quelques semaines plus tôt à Sainte Lucie. Ce soir là, après un concert de Steel Band et une grande tablée de pizzas entourée d’italiens, nous partions en virée entre garçons au « Fantasia », un des deux clubs du coin. Vers 6h du matin, Roel avait pris le volant à Sylvain qui avait oublié le code de la route… Basile qui dormait dans le coffre du Pick-up s’était fait faire les poches et était tombé en voulant poursuivre ses agresseurs… Léo, lui, avait la lourde responsabilité d’éveiller Laurène pour lui annoncer que j’avais disparu… Laurène voyant Basile blessé et Léo plus blafard que jamais s’est fait du mauvais sang. Moi je m’étais endormi sur la route en pensant rentrer à pied (je ne savais pas où j’étais évidemment) avant de me faire gentiment éveiller puis ramener par la police…

Il y a deux jours, nous avions cinq invités à bord dont deux personnages : Jacques et Thierry, deux militaires de la marine nationale française en escale après une mission humanitaire à Haïti. Leur bâtiment, le Batral « Francis Garnier » est en fin de vie et l’un d’eux en fin de carrière. Tout deux croiseront l’Atlantique pour la dernière fois, les 1500 tonnes qui ont fait trembler les pontons d’Haïti vont être recyclées. Le « Francis Garnier » sera désarmé à son retour en France.

Hier, encore une soirée Mémorable : en fin d’après midi, une barge en aluminium nous approche et j’entends mon prénom. Ce sont Chico et Johan, deux français sympas rencontrés une semaine plus tôt qui nous emmènent pour une visite d’exception. On embarque sur cette barge de coast guard américain pour emprunter un chenal balisé un peu spécial : c’est une voie d’accès rapide à Calivigny Island… que nous empruntons à une vitesse que j’aurais bien du mal à interpréter (il y a 300 chevaux derrière l’engin, je n’ai jamais été si vite sur l’eau) mais que Laurène a l’air d’apprécier ! Oui, passer d’une île à l’autre en deux minutes c’est magique. Surtout quand quelqu’un vous attend pour prendre les amarres et qu’un véhicule encore plus spécial vous attend derrière la cabane de sécurité. Nous nous installons maintenant dans une petite voiture tout terrain ouverte (genre véhicule de green) et partons à la visite de cette île paradisiaque et complètement privée !

Il y a des plages de sables blancs protégées, des plages sauvages où viennent pondre les tortues, des singes, des perroquets, des centaines d’espèces de plantes (importées elles aussi, spécialement de Barbade). On commence la visite par la maison principale en arpentant des cloîtres voûtés à clair voie : réalisation de talent des compagnons charpentiers de France. Chaque détail est soigné, les sols composés de marbres italiens raffinés, les murs de pierres de parement de Carriacou, les toits recouverts de bois dense de Guyane… Le soleil en se couchant vient coiffer les toits pointus, on ne sait plus où l’on est !

Les moyens sont gigantesques, l’entreprise titanesque : des générateurs produisent l’électricité pour toute l’île y compris l’usine de production de béton installée provisoirement, des dessalinisateurs purifient l’eau, une cinquantaine d’hommes oeuvrent encore actuellement ( ils étaient 80 il y a peu, il y a un village pour les employés). C’est une vision moderne et tropicale d’un Versailles totalement indépendant, je n’ai jamais vu et encore moins imaginé une salle de bain si vaste et si luxueuse. Bref, une visite très intéressante qui passe des ateliers aux constructions en cours, et qui se finit autour d’une bière sur une terrasse sous laquelle les grottes grondent en se remplissant d’eau.

Moi j’ai le cerveau qui fume, quand Johan m’a parlé de ce qu’il faisait une semaine plus tôt (lui et son frère, les fils du propriétaire sont chargés de coordonner le projet) je lui demandais spontanément s’il avait du boulot… il m’en propose aujourd’hui ! (il faut voir le projet, ça demande réflexion : http://www.calivigny-island.com/

En attendant, nous sortons Goudrome de l’eau pour la troisième fois, à Carriacou où nous venons d’arriver après dix heures de près serré.



Read more!

jeudi 8 avril 2010

Grenada - St George bay

Vendredi 19 mars.

Le retour au mouillage du Marin est une navigation particulière, un peu comme une lutte.
Passée la pointe du diamant, la houle se lève et se couple au vent, qui comme le courant, porte à l’Est. Aller vers l’Ouest dans ces conditions n’est pas chose agréable, nous tirons des bords, pendant cinq heures appuyés au moteur pour se traîner à 3 nœuds!


C’est qu’on les aime nos amis restés au Marin et on ne pourrait pas partir sans les saluer.Dès l’arrivée, nous contactons Kayok via la V.H.F. et à notre grande surprise, c’est Valérie et Olivier qui répondent (ce que nous apprendrons plus tard c’est qu’ils nous parlaient depuis Kayok où ils passaient par hasard)

Nous retrouvons aussi Philippe de Khira, et de nouvelles têtes comme Giovanni (un italien qui a vécu une traversée difficile humainement, recueilli à tour de rôle depuis son arrivée par deux bateaux amis)
Le lendemain nous déjeunons en bonne compagnie sur « Ile de Ré » avant de partir pour une plongée bouteille sur le récif corallien de Sainte Luce.
Le groupe hétéroclite que nous formons crée des situations loufoques sous l’eau.
Alors que je tente de stabiliser les embardées que je fais de haut en bas, Olivier s’amuse à nous piquer les palmes, Louis me tombe dessus et vice versa, à mourir de rire !

Chaque jour l’océan nous amène de nouveau bateaux, avec les anecdotes de ses équipages.
C’est le cas de Guam (des amis de Mindelo : Thomas, le capitaine ; Basile, Elouan, deux suisses, et Rico qui avait quitté Khira pour apprendre l’accordéon) qui arrivé trop au Nord, contre courant et sans Gasoil, n’avait eu d’autre alternative que de contourner l’île avant d’être bloqués de nuit par un bout dans l’hélice qui les contraignait à mouiller à l’aveugle à quelques encablures du but.
Nous les retrouvons la nuit sur un coin de ponton où ils organisent la redistribution de l’équivalent de deux caddies de supermarché, butin récolté dans les poubelles de deux grandes enseignes. On commence à s’accommoder de leurs pratiques, un jour ce sont des kilos de thon en conserve, des dizaines de boîtes de thés, fruits, etc. Ce soir là, la thématique est plutôt fromage.
Une occasion saisie par Philippe qui organise un « dîner ponton » tartiflette par 30°. Soirée très agréable où se mêlent une fois de plus les styles et genres. J’adore la vie de marin rien que parce qu’on ne fait pas de manières.
Ainsi, un chef d’entreprise (accessoirement propriétaire d’un Hanse de 60 pieds, une barque de loisirs qui ne coûte pas moins de 700 000 euros) vient pousser la chansonnette avec des jeunes qui pratiquent le didjeridoo et l’accordéon.
Le clou du spectacle réside dans le fait que cet homme ne nous cache pas les dizaines de déboires rencontrés avec ce bateau neuf, il finit par nous avouer que les seules choses vraiment fiables à bord sont la machine à laver et le lave vaisselle provenant de chez Darty.

Pour boucler cette étape, la veille de notre départ, Léo est de retour. Louis l’emmène en annexe à notre bord. Il pose ses sacs « comme à la maison » et nous raconte ses aventures martiniquaises.
Une heure avant l’appareillage, l’équipage est au complet.
Basile qui avait passé la nuit avec nous embarque pour le Sud, même destination que Léo : le Venezuela.


Nous traversons le Canal de Sainte Lucie, un peu agité, et arrivons sous une demie lune à Rodney Bay.
En général, c’est magique de découvrir une île au petit matin mais là personne n’est conquis.
Une embarcation surprenante approche, sous un nombre incalculable de pavillons mélangés à d’énormes feuilles de cocotiers, on imagine une barque. De cette barque mise en mouvement par un bruyant mais pas très efficace engin , proviennent des sons de klaxon (genre Lambi). Un homme nous fait de grands signes, il nous tend un bout que nous attrapons volontiers au vu de sa cargaison : des fruits ! Après nos emplettes (corossol, mangues), nous hissons les voiles jusqu’au vieux fort, plus au nord dans la baie, Laurène nage jusqu’à terre pour se voir gentiment accompagnée jusqu’au rivage faute de ne pas s’être acquittée d’un montant correspondant à l’entrée dans la réserve.
Quelques heures plus tard, nous entrons à la voile entre les bateaux mouillés de part et d’autre de l’étroit chenal de Marigot Bay. L’endroit est merveilleux mais réservé à une certaine clientèle, j’avais presque oublié que nous étions en Amérique…
Un Zodiac de la marina arrive en trombe en pensant qu’on a un problème de moteur, il semble surpris de trouver chacun à son poste complètement détendu.
Pour notre part, nous ne sommes pas surpris d’apprendre que nous devrons mouiller au chausse pied entre deux gros voiliers et autres cailloux car tout l’espace est quadrillé de bouées payantes.

Nous approchons vraiment la terre de Sainte-Lucie par l’anse la Raye, pas un voilier à l’horizon. Voilà plus de 48 heures que nous n’avons pas vraiment marché, nous entrons dans un magnifique village de pêcheur.
Simple et authentique, les gens nous regardent comme des bêtes sauvages et nous leur rendons bien, il y a un fameux décalage entre le niveau de vie ici comparé à l’île voisine, nos arrêts précédents n’étaient que des façades.
Les contacts sont automatiques, comme partout les fous d’abord, puis les vendeurs de ganjas pour finir par des gens plus équilibrés qui nous indiquent où se trouve Basile, disparu dès les premiers pas ( Basile est un gars de la montagne, plutôt sauvage). La personne suivante qui marche à côté de nous, sans autre but à priori que d’entrer en communication est un blanc.
Il s’appelle Sylvain, un garçon de 27 ans en mission sur place pour rétablir l’eau potable dans le village.

Il travaille seul et embauche des locaux pour la restructuration de la station d’épuration plus haut dans la montagne.
Nous dînons ensemble dans un lolo puis il nous emmène vers son véhicule de fonction, un beau 4X4 qui nous conduit dans l’obscurité à travers des routes de montagnes vers une cascade.
A peine sorti du véhicule, nous plongeons dans l’univers magique de la forêt tropicale. La bande sonore est indescriptible tant ce monde est différent de la mer, les phrases des grenouilles se superposent à celles des grillons, au loin on distingue le bruit de l’écoulement de l’eau.
La magie est immense, des centaines de lucioles apparaissent furtivement, nous pénétrons dans la forêt par un petit sentier en contrebas, évidemment nous ne sommes pas équipés pour la sortie, nous n’avons pas plus de chaussures que de lumières.
L’expérience est savoureuse, chaque pas en claquette sur une feuille, une racine ou une pierre nous confirme la nature des éléments détectés par l’odorat. Mes mains deviennent des capteurs en trouvant des appuis sur la mousse sèche ou humide.
Nous traversons la rivière une première fois, croisons les gigantesques feuilles de bananiers, escaladons quelques roches et le ciel apparaît dégagé de toute la voûte végétale, il y a quelques étoiles, des petits nuages mais surtout la lune qui illumine la magnifique cascade.
Le bruit est infernal, l’eau ruisselle le long des roches, nous nous déshabillons et plongeons dans le premier bassin.

Nous ne nous attardons pas d’avantage à Sainte Lucie parce que nous sommes toujours sous pavillon jaune (en attente de formalités, la règle veut que l’on se déclare aux douanes et à l’immigration dès l’arrivée, des heures de paperasses et des horaires souvent contraignants pour l’entrée et la sortie).
L’escale suivante est Amiral Bay, au Sud Ouest de Bequia. Cette île est la première île des Grenadines (elle dépend de Saint Vincent que nous longeons de nuit).
Une fois de plus, le courant est contre nous. Déventés par le relief des deux pitons, nous dégustons quelques heures de quart bercés par la mécanique avant d’être secoués au prés serré dans le canal.
L’entrée dans la baie est sportive, nous tirons des bords avec deux ris dans la grand voile pour tenir de fortes rafales.
Une barque de rasta qui ressemble plus à un dragster nous approche pour nous indiquer une bouée (nous refusons). A défaut de construire des marinas, ces locaux vous proposent des corps-morts privés souvent médiocres ; des langoustes, lambis, glace, pain, etc. (ceci à un prix qui ne cessera d’augmenter tant que les clients américains paieront).
Imaginez une baie magnifique munie d’un parking Vinci, le quadrillage étant ici matérialisé par des bouées suffisamment proches pour rendre impossible le mouillage libre sans encombrer l’évitage.
En mouillant au mieux, on se retrouve à faire des compromis entre la longueur de chaîne pour l’évitage et la sécurité, je plonge donc systématiquement pour vérifier la bonne tenue du mouillage.
Pareil à terre, chaque bout de plage est grignoté par les restaurants et autres établissements où se prélassent des gens qui doivent à tout prix rentabiliser leurs courts séjours. Dans ce contexte, la qualité des échanges est limitée, « les vaches à lait » alimentent le commerce exclusivement aux riches, et donc aux blancs.

Nous décidons de nous plier aux règles de clearance pour poursuivre sereinement notre séjour dans les Tobago Cays, minuscules îles dépendantes des Grenadines, et assistons à un racket organisé ! En plus de la taxe pour chaque individu à bord, nous payons un supplément motivé par l’absence du propriétaire du bateau à bord ?
Cette journée est vraiment une invitation au départ, je branche mon P.C. sur le 110 volt d’un petit centre Internet et mon alimentation explose…

Dès l’aube, nous hissons les voiles et faisons cap Sud Ouest en laissant un chapelet d’îles sur bâbord. Notre destination sera atteinte à l’heure du déjeuner, Maho Bay est une crique entourée de coraux au Nord de Canouan. Nous ancrons très proche d’une magnifique plage déserte et d’un récif pour y faire du « snorkeling». Les fonds blancs se lisent jusqu’aux détails des ondes du sable, plus loin le corail éclate de couleurs.
Quelle réjouissance de plonger nu et de rejoindre une plage vierge sans autre trace de vie qu’une végétation luxuriante.
Ensuite nous longeons Canouan et atteignons Salt Whistle Bay sur l’île Mayreau, à quelques miles au Sud Ouest. Nous trouvons un magnifique refuge pour la nuit, nous slalomons à la voile malgré la proximité et le grand nombre de bateaux (avec trois équipiers performants, une légère brise comble Goudrome) jusqu’à trouver l’endroit idéal.
En général, nous ancrons assez près du rivage pour pouvoir s’y rendre facilement en annexe et en appliquant la même politique « sans moteur ».

Pour la navigation suivante visant les Tobago Cays, un logiciel de navigation ou une carte de détail aurait été très utile voire indispensable mais bon…
Heureusement, un précieux guide de navigation embarqué (grâce aux bons soins de Nicole, charmante tante de Laurène) nous sauve et nous éclaire sur les passes, les hauts fonds, les spots de plongée et nous comble pour toute une série d’informations indispensables.
Le passage à la voile est délicat entre Petit Rameau et Petit Bateau, on s’y reprend à plusieurs fois jusqu’à raser les moustaches de la ligne de mouillage d’un petit trimaran (sans chaîne, un bout en tension à peine visible à fleur d’eau a failli finir dans notre quille, nous avons 1,70m de tirant d’eau).
Nous achevons la manœuvre au moteur.
Ce premier avril a un goût de blague, on a un peu de mal à y croire mais Goudrome semble posé dans le vide tant l’eau est claire (position N12°38’11 W61°21’63). La carte postale que j’aimerais vous adresser à travers ces mots ne ressemble à aucune autre. La raison est simple, nous disposons de 360° d’horizons partagés entre cocotier, sable blanc, bleu azur et l’ensemble est parsemé de jolis bateaux.

Nous contournons ensuite le « horse shoe reef » pour aller à la rencontre de Petit Tabac, la plus au vent des Grenadines. Une île déserte et minuscule encerclée de corail, et là nous sommes seuls à contempler le «world’s end reef ».
Pendant que Laurène nous prépare des pommes de terre sautées à la graisse de canard, nos poumons jouent de la cornemuse entre 3 et 5 mètres de fonds.
Le spectacle des Tobago Cays est époustouflant mais c’est déjà vendredi, un autre spectacle nous attend …
Cela se passe à Clifton, un village à l’Ouest d’Union. Nous retrouvons après quelques jours d’isolement une île vivante, avec des bars, restaurants, et surtout le voilier La Loupiotte (www.voilierspectacle.com) qui nous avait déjà fait rêver en nous offrant un spectacle inspiré et poétique au Marin.
En fait nous avions manqué la première partie et la chance (bien aidée par la volonté de Basile qui est clown en plus d’être cordiste) a voulu que nos chemins se croisent de nouveau. Clifton est aussi en pleine effervescence car c’est la fin du carême, trois jours de fêtes consécutifs pour célébrer Pâques. Les hauts parleurs comme les percussionnistes envoient du lourd, du très lourd, le village décoré accueille des centaines d’arrivants de Kingston déversés par le vieux ferry « Barracouda ». Il semble disparaître sous un nuage de fumée de barbecue, les vans de transports Toyota et les énormes Jeep’s arborent des drapeaux et des chromes rutilants. Ils défilent en représentation, comme les gens, en continu le long de la plage.
Léo finit la soirées avec Mc Coy, une connaissance venue en barque de Salt Whistle Bay pour l’élection de Miss Caraïbe.

Ce petit village a plus d’un tour dans son sac, il possède un aéroport, et toutes les commodités comme Internet par exemple.En fait la combinaison des deux est assez inattendue : en discutant avec une canadienne installée sur l’île depuis onze ans (la propriétaire de l’Internet café) et son fils qui bricole des ordinateurs, j’en arrive à parler de mon petit souci d’alimentation.
La patronne se met à la recherche d’un objet qui avait été ramené pour un ami mais qui ne correspondait pas : une alimentation…impossible à retrouver.
Le problème c’est que le fils, disparu depuis quelques minutes est actuellement dans un avion au dessus de nos têtes et il est même le pilote puisque c’est son jouet !
En fait le fils fait des allers et venues inter îles avec son petit coucou presque par plaisir, son avion l’envoie en l’air avec un seul moteur de 180 chevaux !
Trois heures plus tard, le fils retrouve le fameux câble qui correspond parfaitement, mon ordinateur redémarre…

Union est vraiment le dernier endroit où j’aurais pensé trouver du matériel informatique. Sa situation est à l’image de toutes les petites îles des Antilles qui sont dépendantes (à tout point de vue, même les bases vitales : l’eau, les fruits, les légumes, etc.) Dans les Grenadines les légumes, les clopes, les bières sont des denrées vendues à l’unité et en quantité minuscules, les épiceries étalent les produits plutôt que les entasser, il n’y a rien.
Si, il y a des Rastas et de la Ganja partout, il y a aussi des bateaux cigarettes plus rapides que les vedettes de Police avec des moteurs de trois fois 750 chevaux, on se demande vraiment ce qu’ils déclarent…

Nous on a décidé d’être dans les clous point de vue paperasse, on se fait donc arnaquer (avec le sourire)pour la clearance de sortie. Cette fois on paie parce que c’est férié ! Mais nous ne sommes pas seuls à poireauter dans les bureaux de l’immigration à l’aéroport, des Vénézueliens que nous interrogeons nous tiennent un discours à décoiffer un moine sur la violence et la sécurité dans leur pays. Gloups, un bon conseil en tous cas : « il y a tellement de choses merveilleuses à découvrir dans le monde qu’il est inutile d’aller risquer sa vie au Vénézuela actuellement ». Bon, le Bélize et le Costa Rica c’est sympa, non ?

Après une dernière navigation via Cariacou et « Les Tantes », nous ancrons à Grenada.

Read more!

samedi 3 avril 2010

Union - Cliffton bay

Union - Cliffton Bay - La ville en fete pour la fin du careme
Bequia - Amiral bay (cherchez Goudrome!)
Union - Cliffton Bay - Vue de notre mouillage
Bequia - Amiral Bay
Sainte Lucie - passage des deux pitons avec Basile et Leo (et la biere du meme nom)
Sainte Lucie - Anse la Raye

Read more!