lundi 26 juillet 2010

Angra do Heroismo / Praia da Vittoria (ilha Terceira)















L’île de Terceira est la cinquième et dernière île du groupe central. Elle porte ce nom car elle fût la troisième découverte par les portugais au XV ème siècle, c’est aussi la terre où nous accueillons Maëlle et Laurent pour une semaine.




La population est plus nombreuse sur Terceira, majoritairement concentrée dans deux agglomérations : Angra do Héroïsmo, la ville principale et Praïa da Vittoria, seconde ville située juste à côté de l’aéroport de Lajes.
C’est donc dans la petite Marina d’état de Praïa que nous attendons nos nouveaux invités. La ville est jolie mais quelque chose nous intrigue. Une fois de plus (c’est un phénomène étrange et récurrent aux Açores) pas un pavé ne dépasse, les bâtiments du XVII ème comme les dernières constructions contemporaines branchées nous épatent par les moyens déployés.
Ici, je pense que la base militaire américaine est pour beaucoup dans le développement démesuré des infrastructures.
Pour vous donner une idée, la nuit pour Goudrome dans une Marina des plus moderne et aux services illimités nous coûte 5 euros !
Le front de mer entier a fait l’objet de dépenses Pharaoniques, les bars et restaurants tout droit sorti de magazines d’architecture vous offrent des menus continentaux pour porte-monnaie américains ! Heureusement, les fuites de dollars sont concentrées dans la baie de Praïa, la vieille ville demeure ancienne et portugaise, les couleurs et la végétation hétéroclite y font chanter l’histoire.

En guise de soirée de bienvenue pour Maëlle et Laurent, nous partageons un plat local dans le petit cockpit de Goudrome. Quelques amis navigateurs se joignent à nous, dont Eric (un jeune français parti en solo de Norvège sur son GibSea 770 il y a six mois). Eric est chercheur en Océanographie, il travaille au quatre coins du monde sur la pêche industrielle.

Nous sommes donc cinq désormais, c’est parti pour la découverte de l’île.
Le premier jour commence tôt (et en tenue de sport s’il vous plaît) pour un petit footing sur la plage et un petit crawl histoire de se décrasser. Ensuite, à défaut d’avoir un vent suffisant pour déplacer Goudrome, en voiture direction la campagne !
Quelques centaines de mètres suffisent pour trouver ce paysage très particulier des Açores. Un temps un poil couvert et une température estivale idéale fabriquent une palette de verts au carrefour de la Suisse et de l’Irlande. Les parcelles de prairies sont tantôt séparées de grandes haies d’hortensias ou de murets de pierres posées. Notre carte qui représente l’île à une échelle qui ne dépasse pas la main distingue par un code couleur trois types de routes.
Les rouges (les « estradas principais ») ressemblent à des petites départementales parfaitement entretenues, les jaunes (« estradais secondárias ») sont moins larges et sont à l’image de nos chemins de campagne. Les blanches (« caminhos secundários ») sont des pistes qui commencent à réclamer du lourd en terme de véhicule.

Laurent est aux commande de la petite VW Polo dans laquelle nous tenons à cinq, je suis donc à la carte pour la navigation…
Tout commence au village d’Alguava, que nous contournons sans jamais retrouver une « route » digne de ce nom…
C’est donc sur un tronçon à pas moins de 30° et en travaux qu’une dame nous confirme que nous sommes en progression pour le « pico Alto ».
Les chemins que nous empruntons deviennent de plus en plus improbables (point de vue couleur sur la carte on doit passer du blanc au transparent), la majorité d’entre eux ne se font qu’en première vitesse avec de l’élan.
Nous sommes à la recherche d’une grotte, après quelques heures de montagne nous finissons par débusquer un autre interlocuteur qu’une vache. C’est d’ailleurs un vacher, perdu au bout d’un chemin sur lequel on aurait pu perdre la voiture deux fois (il a fallu descendre puis pousser le véhicule qui ne posait plus que sur trois roues pour s’en sortir). A notre grand étonnement le type sort d’un bâtiment devant lequel s’agglutinent les animaux, couvert de sang de la tête aux pieds. Il n’a pas l’air surpris et nous indique la direction en anglais !
Une journée entière de paysages merveilleux au cœur d’une immense réserve naturelle forestière ne nous fait pas regretter le détour : la rouge que nous trouvons finalement pour le retour aurait pu nous emmener au même point en 15 minutes !

La fameuse « Gruta do Algar do Carvão” illustre un phénomène volcanique étonnant, c’est un tunnel de lave de plusieurs centaine de mètres produit par une éruption (le même phénomène existe sur l’île de Pico, le tunnel dans ce cas mesure près de cinq kilomètres). A la surface, contrairement à tous les gigantesques cratères (« caldeira ») vus sur les Açores il ne reste que l’équivalent d’une cheminée de 70 mètres pour à peine vingt mètres de diamètre, tapissée d’une végétation luxuriante.
En bas, la visite s’achève sur un petit lagon d’eau potable mais aussi des étranges formations de silices qui s’agglutinent à raison de 10mm par siècle. Ce phénomène date d’environ deux mille ans.
Nous découvrons plus tard l’association des Montanheiros ( www.montanheiros.com ) au cœur de Angra, un musée aussi minuscule qu’excellent illustrant les phénomènes volcaniques aux Açores dans leur grande diversité. Ainsi, nous savons que Terceira a encore connu une éruption sous-marine entre 1998 et 2000 à douze kilomètres au large !

Le lendemain, nous reprenons les chemins de campagnes (je veux dire une bonne route rouge) à la recherche d’un « Parque de Merendas » (un genre d’aire de pique-nique).
Il y en a partout aux Açores, ce sont des espaces « aménagés », ni trop loin ni trop près des routes mais toujours au cœur d’endroits paradisiaques (près de la mer, d’une rivière et même dans la forêt). Ce qui est surprenant, c’est qu’on y trouve presque tout les attributs d’une cuisine : l’eau courante (et donc ce qui va de pair, un évier), des barbecues munis de grilles et même parfois de petit bois laissé par les précédents occupants, du mobilier (immobile dans ce cas, des tables et chaises en pierre ou en bois).
Bref, en débrouillant pas trop mal, on peut assez facilement accrocher des étoiles à sa table !
Les marchés et leurs superlatifs sont ici bondés de produits frais et de qualité, on a donc fait bonne pioche. Pour ne pas faire tâche on a même pensé au très respectable vin de pico.

Le spot idéal, nous le trouvons sur la côte Sud Ouest en contrebas du village de Santa Barbara (dans les hauteurs, le ciel n’est pas souvent dégagé). Des scouts y font un tas de jeux dans une arène en pierre ; évidemment, qui dit jeu dit taureau !
Un groupe de femmes entretient le feu dans plusieurs magnifiques fours à bois placés côte à côte sous des arcades en pierres de lave. Elles y cuisent différents pains et quelques préparations (quelques photos de notre grill sur madeincambuse.blogspot.com ).
A 18h, des détonations annoncent le début d’une « tourada », ce soir cela se passe à « Posto Santo ». Pour la petite histoire, le lâcher de taureau dans les rues est une tradition qui commence le 1er Mai et s’achève en Octobre. Des explosifs indiquent où cela se passe, un tir correspond au lâcher de taureau, deux tirs successifs indique le retour de la bête dans sa boîte.
Quatre beaux exemplaires bovins sont donc à tour de rôle libérés dans une ou plusieurs rues où tout est barricadé pour l’occasion. La première scène nous a beaucoup impressionnés !

Partout sur l’île, on trouve des images du genre bêtisier portugais, avec parfois des scènes d’une violence à vous glacer le sang …
Nous étions donc avertis, mais c’est en arrivant sur la piste pour en avoir le cœur net que nous découvrons quelques règles basiques :
La première qui nous échappe, ce sont les limites du terrain de jeu, matérialisée par deux bandes blanches au sol.
Nous passons d’un bon pas les derniers véhicules en stationnement, puis une buvette, et nous trouvons en marche vers ce qui semble bien être l’attraction. Les nombreux spectateurs sont agglutinés et avancent comme une vague a laquelle nous contribuons.
En un instant, ce qui se passe à quelques mètres après le virage nous (je veux dire les 5 touristes tout justes sortis de la Polo mais aussi les dizaines de spectateurs portugais qui suivent, eux, le mouvement depuis le début) apparaît en route parfaite de collision.
Là, nos yeux voient la bête comme nous croyons qu’elle nous voit, c'est-à-dire 7 fois plus grande ! Dans un moment comme celui là, on a beau être en bonne santé, on se trouve un petit disfonctionnement cardiaque…
Mieux vaut aussi porter un tee-shirt plutôt qu’un K-way tant l’adrénaline s’échappe par toute la surface de l’épiderme !
Nous rebroussons donc chemin en conservant le cliché plus que pornographique de l’écume chaude au bout de la silhouette noire en rut. Nos synapses établissent une connexion quasi instantanée, et nous nous étonnons maintenant de voir nos jambes mouliner à 2000 tours minutes sans même avoir eu le temps de choisir une direction. Là l’être humain se révèle dans ses limites ; plus de copains, plus de mots, plus de « pardon monsieur je voudrais aller par là », etc Ainsi, je me retourne le pouce dans le dos de la première silhouette sur ma trajectoire, Laurent bouscule aussi une ombre en mouvement sur son chemin. Bref, les quelques quintaux de gras à nos trousses illustrent un « sauve qui peut », qui aboutit dans un jardin à quelques 3 mètres plus bas pour les uns, ou selon l’humeur dans les buissons pour les autres !

Un deuxième élément important apparaît ensuite, une solide longe permet à une dizaine d’hommes de cadrer l’animal dans son élan.
Un premier groupe d’environ cinq personnes donne une aire au taureau et galope au fil de ses déplacements, un second groupe équivalent mais placé beaucoup plus loin sert de soupape de sécurité. Quoi qu’il en soit, dans la majorité des cas, ces hommes usent leurs semelles en se faisant traîner, quand ils ne sont pas directement la cible.
Nous découvrons la suite, la durée des sorties limitées dans le temps, les protections en laiton au bout des cornes,… d’un point de vue beaucoup plus confortable et dans une ambiance presque familiale.

Plus tard, au retour d’une promenade, nous découvrons un autre type de jeu. Le petit port de « Porto Judeu » est transformé en arène d’un soir. Le public est très vaste, placé en grappe des murs aux rochers en passant par les barques de pêches. Ici, le taureau libéré fini par tomber dans l’eau avant de rejoindre la plage pour la fin du combat…

Enfin, le vent semble suffisamment établi pour envisager un déplacement à la voile.
Deux possibilités sont envisagées, une navigation vers Graciosa (longue et au portant, 20h aller/retour) ou une petite sortie d’essai qui peut aboutir à Angra au Sud de l’île (vent dans le nez, on double la route en tirant des bords, prévoir 6h l’aller simple).
Ca souffle bien dans le port, Eric nous largue les amarres, les moussaillons sont sur le pont !
Grand soleil, 15 nœuds de vent établi, nous partons pour un long bord de près à 5 nœuds sur une mer peu agitée.
Je suis ravi d’être en mer et de voir Laurent à la barre qui résout les énigmes de causes à effets compas /barre/girouette. Premier virement de bord, Laurent passe la barre à Maëlle qui ne semble pas en joie à l’idée de changer de point de vue dans le cockpit.
A l’approche de la pointe des Contentas, Laurent est de retour au poste de barreur après un petit somme (perturbé par le petit bœuf aux carottes qui mijote pour le repas du soir), le vent fraîchi et la mer est un peu plus formée. Je décide de prendre un ris pour éviter trop de gîte ce qui pourrait accentuer le mal de mer qui semble régner à bord (Laurène qui n’est plus au top de sa forme a disparu, idem pour Maëlle), Laurent est donc réquisitionné pour choquer l’écoute de grand voile pendant que je réduis.
La manœuvre à peine achevée, Laurent rejoint le reste de l’équipage à l’horizontale.
Silence radio jusqu’à l’arrivée… (À l’exception de Laurène qui fit une brève apparition pour rendre à la mer les restes du poulet qu’elle s’était envoyé en affichant non sans fierté sa maîtrise des éléments).

Autant dire que le plat (spécialement concocté pour accompagner le délicieux St Julien reçu de nos convives) n’a plus aucun succès. Nous ancrons vers 22h dans la baie d’Angra, la houle rend le mouillage inconfortable. Laurent poursuit la diète jusqu’au lendemain, il reprend vie quand nous foulons de nouveau le ponton.

La ville d’Angra do Heroismo est un joyau d’architecture. Elle fût la capitale des Açores, aussi classée au patrimoine mondial de l’Unesco, c’est une cité de culture ou nous flânons sans but en remplissant pourtant nos paniers de lumières et de couleurs (Laurent et Maëlle sont équipés de bons appareils, leurs images sont particulièrement remarquables !). Des riches tentures au vent des portes d’églises aux larges points de vues panoramiques des quatre coins de la ville en passant par les jardins botaniques, tout prend une dimension poétique sous ce voile de ciel.

Até logo !
Xavier

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